Sunday, December 11, 2005

les planches courbes

Le 7 juillet dernier, j’ai écrit ça que je retrouve, par le plus grand des hasards :

"L'air est doux et parfumé

Le vent porte des caresses venues des étoiles

Et le fleuve s'écoule en bris de miroirs silencieux

Ce n’est pas à la souffrance de ne plus avoir mon père que m’affronte son agonie mais à ma propre mort, à ce doute : qu’ai-je oublié avant de m’en aller à mon tour ?"

Aujourd’hui 11 décembre, chaque jour, est une autre vie. L’essentiel est d’avoir toujours sur soi une petite pièce de cuivre. De savoir attendre l’heure de la barque. Ce n’est pas grave d’être fatigué, si c’est de la bonne fatigue.

J’ai écrit dans un petit livret distribué en août 1996 à une douzaine d’exemplaires pour les noces d’or de mes parents mariés le 29 juillet 1946, à propos de mon grand-père et parrain : « Albinus, est né le 1er mars 1893. A 9 ans, il quitte définitivement ses parents, part en Allemagne et en Suède. En 1906, à 13 ans, il part avec sa soeur Karoline (9 ans) rejoindre le frère aîné Marinus dit Marius à New-York. Les embruns et le soleil raccourcissent considérablement les vêtements des deux voyageurs pendant la traversée »

J’ai toujours pensé un jour aller à Ellis Island chercher son nom gravé.

Voici la suite :

« Pendant plusieurs années, Albinus, avec son cheval Mike, livre du charbon l’hiver et de la glace l’été. Albinus peut demander tout ce qu’il veut à Mike. Un jour, il entre en apprentissage chez Ford. Il en ressort mécanicien et s’engage. Le voilà chauffeur-mécanicien sur plusieurs véhicules (Packard surtout). En 1917, le sergent Albinus Jørgensen débarque à Bordeaux. En 1890, Jean-Alexandre Chaillou, charpentier naval, est à Buenos-Aires avec Devina dite Adelina. Leur fille Romilda ne voit pas d’objection majeure à commencer sa vie en Amérique du sud. Quelques années plus tard, petite fille juchée sur les épaules de son père, elle traverse la Charente, là-haut, à 50m au-dessus de l’eau, sur la travée supérieure du pont transbordeur de Martrou où Jean-Alexandre a travaillé »

D’où il ressort que ma grand-mère et mon grand-père ne se sont connus qu’au prix de traversées d’océans et de rivières.

Dans ce blog, figure un texte écrit le 23 août 2001, mis en ligne en juillet dernier, « Nuit sans Liliana ». D’où j’écris ces mots, une petite maison de pêcheur retapée du sud-Loire, près de Saint-Jean de Boiseau, il ne faut que dix minutes, 800 mètres, pour voir « la haute silhouette de la tour à plomb de Couëron » et la barque qui attend dans l’eau vaseuse.

Dans Les Planches courbes d’Yves Bonnefoy, l’Enfant n’a ni père ni mère. L’homme qui le fait monter dans sa barque pour passer le fleuve est un géant.

Dans « Nuit sans Liliana », c’est la marée, c’est-à-dire l’océan et la lune, qui aident Laurine à pagayer, à traverser le fleuve.

L’Autre rive, c’est un horizon sur lequel s’abîment et s’usent nos regards orphelins.

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